Willybrod
Willy était un garçon,
Bedonnant et tout blond.
Willybrod de son vrai nom
Mais de race sans nom.
Il ne venait pas du buisson,
Mais de sa maman comme de raison
Qui l'avait laissé en adoption
À l'animalerie sans plus de façon.
Il était à la fois macho et malfrat,
Menant, malmenant ses congénères,
Compagnons de cage, sœurs et frères,
Comme sergent chez les militaires.
Celui-là, je me dis tout bas,
Personne ne lui en imposera !
Je le pris donc avec moi
Pour le conduire chez moi.
Dans sa boîte de carton,
En route vers la maison,
Monsieur fit sa première évasion,
Et vint s'asseoir en passager, libre de prison.
Je compris que j'avais adopté
Un petit roi qui me faisait pied-de-nez.
Il allait sans doute m'en faire baver,
Mais sa tronche me plaisait assez.
Il explora son nouveau logis
En reniflant tous coins, planchers, tapis.
Puis il vint me baragouiner
Qu’il lui fallait maintenant manger.
Repus et rassuré,
Il se mit en quête d'un lit et oreiller
Pour bien sûr choisir le canapé,
En résistant à toute tentative de l'y déloger.
Las de cet entêtement de mule,
Je me promis de sortir demain la férule.
Pour l'heure je chassai ce tic
En faisant tourner un classique.
Willy dressa ses oreilles pointues
Pour analyser cette mélodie inconnue.
Reposant sa tête sur le coussin
Il s'endormit dans son nouveau couffin.
De ce jour
Il réclamait toujours
Sa berceuse somnifère
Avant de fermer paupières.
Pas même un bonsoir pour moi.
Les malfrats c'est comme ca;
Tu les sers comme ce doit;
Pour un merci, tu repasseras !
Les chats, c'est connu,
Aime galvauder la nuit.
Il fit donc son malotru
En batifolant avec grand bruit.
Éveillé par cette cacophonie,
Je fis sermon à ce démon;
Me dévisageant comme polisson,
Il sautait dans mon lit pour terminer sa nuit !
Willy aimait ses jouets
Que partout il promenait,
Laissant son baveux préféré
Sur mon oreiller !
Maman disait: " ne gaspille pas ! "
De la pizza, les piments, les poivrons je n'aime pas.
Willy disait dans son langage de chat:
" J’adore; donne-les moi ! "
Tant pis pour les dépotoirs et leurs rats,
Moi j'avais un chat !
Il aimait tout ce qui était épicé,
Comme italien ou mexicain bien né.
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Willy connut son premier Noël
Et moi des boules cassées les décibels.
La crèche de Marie et son Charpentier,
C’était pour lui et non le Bébé.
Étendu sur la paille,
Bergers et mages en pagailles,
Des animaux il faisait ripaille
Déguerpissant à mes cris de caille.
Aux soirs de veille
Aux lumières du sapin,
Sur mes genoux il réclamait câlins,
Petit mutin rêvant au pays des lutins.
Sa première neige le fit courir à s'essouffler,
Sur le derrière il se laissait glisser.
Dans le traîneau aimait se déambuler;
Je lui fis même bonhomme bien potelé.
Le printemps est arrivé
Et de Willy la maturité.
Il demandait la porte dès que noir
Pour allez danser bagatelle et acquérir grand territoire.
Pas même le chat de gouttière,
Puissant, gros et noir
Ne triomphait de ce blondinet
Devant qui il faisait du balai.
Le Conquistador revenait parfois à la maison
Avec griffures aux nez et menton,
Oreilles en chardons,
Sang en coagulation.
Pendant son déjeuner,
Je nettoyais et soignais le Seigneur blessé.
Parfois il se reposait quelques jours de ses grandes virées
Pour repartir de plus belle en échauffourées.
Il revenait tous les matins,
Faisant le guet devant la porte fenêtre.
Il entrait, dandinant dans ses guêtres,
Fier de ses derniers larcins et du " butin ".
Puis une aube il ne vint pas...
Et d'autres et d'autres et toujours pas...
Grand-Dieu des routes était parti
Sans doute avec sa belle en leur paradis.
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L'automne de cette année,
Sixième de ses étés,
Son souvenir vint effeuillé
Et puis la neige couvrit son passé...
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Un matin froid de janvier
Dans l'aube blanche levée,
Une petite chatte faisait le guet
Qui à Willy beaucoup ressemblait.
Minette fit son entrée au salon
Et, pas sorteuse,
Ne quitta plus la maison,
Un peu couveuse, ainsi heureuse.
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