

1
Adieu, enfant que la plume porte
Adieu, année de l'âme morte
Adieu, guerre que l'homme porte
Comme un lourd landau de feuilles mortes !
Adieu !
Adieu ! C'est pour l'âme
Que je pars
L'âme ailleurs d'un autre port
L'âme enfant de pleine lune
L'âme enfant des jours de brumes
Adieu, Milord
À qui soupire l'infortune
Sur tant de toiles
Et tant de plumes !
Adieu !
Adieu la table
L'oisillon qui dort
Adieu la porte
Adieu dehors
La lune est quitte
Qui m'emporte
Le temps vient ou je m'endors !
Adieu, Milord
Quand coule le vin
Et que se grise l'hirondelle
Quand la femme
Trop belle part et s'en revient !
Adieu, Milord
La table est trop belle
Et la fille hirondelle veille au vin
Quand la cave est trop pleine
Et trop lourd le destin !
Adieu, adieu Milord
Adieu, sereine la table et le festin
C'est la terre que je creuse
Qui fait mon destin
Adieu, Milord, le repas était divin !
~*~
II
Adieu, Milord
Je pars avec la plume
Qui s'envole avec ma faim
Jamais je ne saurai de quel fût
Était ce vin
Ou si l'hirondelle était ma fin !
Adieu, Milord
Je sais que si loin d'elle
Je n'aurai de lendemain
Ah ! Celle la que je voyais belle
Mais promise pour un autre matin !
Adieu, Milord
C'est la tarentelle
Je tourne la tête
Et je ne sais si de près ou de loin
Je viens d'elle, si de près ou de loin
Je vais à elle
Adieu, Milord !
~*~
III
Adieu, Milord !
Que tourne la table
Et tourne le festin !
Je tourne la tête et je m'en vais demain
Je m'en viens, Milord
Faire un ciel lourd d'étoiles et de sillages marins
Courir l'appel
Le cri lointain
Vers une autre table
Vers un autre destin.
Ah ! Pourquoi mourir
Quand la lueur est si pâle au matin !
Quand l'aurore à peine se fait lendemain !
Quand les bijoux à peine sortent de leurs écrins !
Adieu, Milord !
Et si je ne reviens
C'est que trop belle elle me retient
C'est qu'à peine la table dressée
C'est pour un autre festin
C'est qu'enfin plus loin que l'appel
Plus loin que la route
Elle me retient
Ah ! Si vous saviez cette ritournelle
Comme auprès d'elle s'allument tous les dessins !
Comme brille la toile de feu lointain
Si vous saviez Milord
Comme s'ébat l'hirondelle au temps serein
L'oiselle à la chevelure de lin
L'océan lointain où s'enivrent mille nacelles
Et la mort au matin
Loin de la lourde table et du festin
Ah ! Milord qu'il fut bon ce pain
Cette lourde tignasse d'elle
D'un pays, d'une faim.
Qu'elle fut belle ma table !
Qu'il fut beau ce demain
Ou coule encore l'hydromel
Doux et ivre souvenir d'elle, et de vin
Ah ! Milord
Comme elle fut belle ma table à ce destin...
~*~
IV
Ah ! Comme elle est belle la mer qui lave le chemin
Comme elle coule pure !
L'eau lourde et verte d'une lointaine errance
Ah ! la mer
Comme elle sait venir
Comme elle sait jaillir.
Milord quand vous viendrez
Par delà la table et le destin
Laissez-vous saisir
Vous tournerez la tête
Et ne saurez que partir
Adieu, Milord !
Adieu !
Le repas, Milord, était divin...
~*~
Yves Drolet©
« Adieu, Milord ! » 1972
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