Il est des mots parfois 

En souvenir d'Eliane

 

 

Moi j’avais dix sept ans, elle seize au mois d’août,

Nous échangions quelques baisers, et des mots doux.

Mes mains parfois couraient sur son corps défendu

Me laissant haletant, amoureux, éperdu

 

Elle fuyait mes mains, comme on fuyait le loup

Et s’échappait alors comme un jeune chien fou.

Il ne me reste de ces trop courts moments

Qu’un peu de souvenir tendre, triste et charmant.

 

Le banc en demi-lune où, blottis tendrement

Nous regardions cet astre pâle, en souriant.

Et le souvenir vague, un peu amer, je crois,

D’un bonheur avorté que l’oubli effaça.

 

Il est des mots parfois, emprunts de nostalgie,

Disparaissant souvent, sitôt qu’on les a dits.

Qui laissent à la bouche un goût âpre et amer,

Fragrance évanescente, fine comme poussière,

 

Comme ces feuilles d’or qu’un souffle vaporise

Ils sont à peine là, qu’ils partent sur la brise

Sur l’eau de notre esprit, reste mélancolie

Qui s’estompe et qui meurt éphémère souci.

 

Traversant un endroit, un village, un lieu-dit

Notre vieux cœur d’enfant parfois se rajeunit

Un amour de jadis, a surgi du passé

Chaleur en un instant submergée de regrets.

 

Comment s’appelait-elle, je ne m’en souviens plus

Oubliés ces amours, et ces fruits défendus.

N’est-il pas pire piège, que celui du temps

Qui nous fait oublier, les noms chéris d’antan.

 

Il est très dangereux, pour les trop vieux amants,

De se pencher ainsi, aux fenêtres du temps.

Les images enjolivées par nos mémoires volatiles

N'y sont que le reflet désuet de nos souvenirs infantiles

 

J’ai cueilli moi aussi, au temps de ma jeunesse

Quelques fleurs dans des prés, dont je n’ai plus l’adresse

En passant par hasard près d’un de ces champs ci

J’ai ressenti le temps comme on ressent l’oubli…

 

Alain Springer© le 05-1995

Pour m'écrire cliquez ici

 
Retour au Menu de Poésie